aller au contenu principal

Ce que nous avons entendu grâce à notre nouvel outil d’observations

Les observations qui nous sont transmises sont extrêmement utiles pour déterminer les nouveaux problèmes de logement au Canada. Elles permettent de dresser un tableau clair des questions systémiques prioritaires sur lesquelles la défenseure peut faire pression, et des domaines dans lesquels le Canada doit faire mieux.

Les données de cette section sont basées uniquement sur les observations que nous avons reçues. Les chiffres ne représentent pas un tableau statistique complet de tous les problèmes de logement ou d’itinérance au Canada. Ces chiffres ne sont pas non plus représentatifs du nombre total d’occurrences de ces expériences dans la population générale.

En voici les grandes lignes pour 2022-2023.

Ce que nous avons entendu sur les logements inabordables et les difficultés à trouver un logement

Nous avons appris que 77 pour cent des observations font état de problèmes actuels ou passés liés à des logements inabordables, et 61 pour cent indiquent des difficultés à trouver un logement.

De nombreuses observations dans ces catégories décrivent la nécessité de faire des sacrifices importants et de renoncer à des besoins de base pour pouvoir payer le loyer. Nombre d’entre elles expliquent également la vie dans des logements inabordables et le choix et la mobilité limités en matière de logement en raison du manque de logements abordables et de la hausse rapide des loyers.

Ces contraintes sont encore aggravées par la stagnation de l’aide au revenu et des taux d’invalidité, ce qui oblige les gens à rester dans des logements inadéquats et, parfois, dangereux. Certains répondants ont mentionné que la rareté des logements abordables permet aux propriétaires de faire de la discrimination à l’égard des locataires dans leur recherche de logement.

Parmi les personnes qui ont répondu aux questions sur le revenu et le coût du logement dans l’outil d’observations, 72 pour cent déclarent consacrer plus de 30 pour cent de leur revenu au logement, ce qui est supérieur au seuil d’abordabilité du Canada.

Ce que nous avons entendu sur l’absence de justice pour les locataires menacés d’éviction

Nous avons entendu que 30 pour cent des observations indiquent une situation actuelle ou passée d’éviction, de saisie ou de perte de logement.

Parmi ceux et celles qui ont connu une saisie, celle-ci était souvent liée à une perte de revenus au plus fort de la pandémie de COVID-19, ce qui a conduit les répondants à revenir sur le marché de la location.

Certains répondants qui ont été expulsés ont déclaré que leur propriétaire a refusé de signer des baux ou de leur accorder des droits d’occupation. Si les avis d’éviction formels relèvent soit de l’utilisation par le propriétaire, soit de la rénovation ou de la démolition, un sous-ensemble de ces avis a été donné de mauvaise foi. Par exemple, en Colombie-Britannique, où une législation récente rend les rénovictions administrativement difficiles, des répondants ont déclaré avoir été expulsés pour que la famille du propriétaire puisse occuper le logement, alors qu’en fait le propriétaire avait l’intention de rénover et d’augmenter le loyer.

De nombreuses observations décrivent la période précédant l’éviction comme une période de conflit ou de harcèlement de la part du propriétaire.

Pour ceux et celles qui ont tenté d’accéder à des recours juridiques par l’intermédiaire des comités provinciaux de locations résidentielles, les procédures ont été jugées lourdes et interminables.

Ce que nous avons entendu sur les logements inabordables pour les personnes en situation de handicap

Nous avons observé que 57 pour cent des observations provenaient de ménages dont un membre s’identifie comme une personne en situation de handicap au sens de la Loi canadienne sur l’accessibilité.

La Loi définit le handicap comme une « déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société ».

Ces ménages sont confrontés à des obstacles accrus pour trouver un logement adapté à leur handicap et à une discrimination accrue lorsqu’ils cherchent un logement.

Nous avons reçu six observations d’organisations qui se concentrent sur cette question, dont une du réseau Accessible Housing Network. Le réseau plaide en faveur de l’intégration obligatoire des principes de conception universelle à chaque logement des nouveaux immeubles à logements. Il demande incessamment que le Code national du bâtiment soit mis à jour afin que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès aux logements dont ils ont besoin.

Une autre observation des Services de santé de l’Alberta met en évidence le fait que les logements accessibles sont principalement à la disposition des personnes désireuses de vivre seules, surtout dans des logements d’une chambre à coucher. Les familles doivent donc vivre séparément dans des foyers différents pour avoir un logement accessible.

British Columbia Complex Kids a également fait une observation sur la lutte des parents pour soutenir les enfants en situation de handicap. L’organisme a souligné le nombre limité de programmes provinciaux et de crédits d’impôt qui soutiennent l’adaptation des logements. Dans le même ordre d’idées, Decoding Dyslexia Ontario évoque l’absence de services publics permettant de détecter la dyslexie à un stade précoce. La lutte n’est pas strictement éducative, elle est étroitement liée à la capacité future des enfants à accéder à un logement et à se l’offrir.

Enfin, l’Association pour la santé environnementale du Québec a souligné que la grande majorité des logements ne sont pas adaptés aux personnes souffrant d’hypersensibilité environnementale ou de polysensibilité chimique.

Ce que nous avons entendu sur les logements précaires, en particulier pour les femmes et pour les personnes de diverses identités de genre

Nous avons appris que 37 pour cent des répondants ont eu des problèmes avec leur propriétaire, l’administrateur de leur immeuble, leurs colocataires ou leurs voisins.

Les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont particulièrement touchées par les propriétaires et les administrateurs d’immeubles abusifs.

Parmi les problèmes rencontrés, citons des propriétaires qui n’effectuent pas les réparations ou l’entretien nécessaires; des menaces d’éviction; l’accès à l’appartement sans autorisation; un mauvais traitement des locataires fondé sur la race, le sexe, l’orientation sexuelle et le handicap; des frais et des augmentations de loyer illégaux; le harcèlement et le harcèlement sexuel des locataires ou des demandes de relations sexuelles en échange d’un logement.

Nous avons reçu neuf observations d’organisations dirigées par des femmes en faveur du droit des femmes au logement. Nous avons entamé un travail d’engagement avec le Women’s National Housing and Homelessness Network (WNHHN) et le National Indigenous Housing Network (NIHN, anciennement le National Indigenous Feminist Housing Working Group) qui ont mis en évidence les problèmes systémiques de logement auxquels sont confrontées les femmes, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre, un accent particulier étant mis sur les femmes autochtones.

Une observation de la Table des groupes de Femmes de Montréal montre que la crise actuelle du logement touche durement les femmes, dont les besoins et les problèmes en matière de logement se sont accrus. La pandémie a piégé de nombreuses femmes dans des situations de violence, perturbé les stratégies des organisations qui soutiennent les personnes en situation d’itinérance ou qui risquent de le devenir, et entravé l’accès aux ressources de soutien.

La pénurie de places en refuge pour les femmes s’est intensifiée. Beaucoup doivent maintenant se tourner vers des ressources qui ne répondent pas à leurs besoins, ou rester dans des environnements dangereux.

Le contexte de la pandémie fait qu’il est encore plus difficile pour les travailleurs communautaires d’atteindre les femmes. Le secteur lui-même a été durement touché par la pandémie, et de nombreux groupes à but non lucratif ont lutté pour maintenir leurs services et leurs conditions de travail.

Les groupes font état d’obstacles à l’accès et de nombreuses sources d’exclusion dans les ressources de logement social, de transition et d’urgence. Il s’agit notamment du manque de connaissance des femmes sur les logements existants et disponibles, de la lourdeur des critères d’admissibilité et des réglementations, des processus bureaucratiques et du manque de ressources pour les femmes confrontées à des situations de vie complexes.

Recommandations VI – Femmes et personnes de diverses identités de genre

  1. Prendre des mesures urgentes pour mettre en œuvre les appels à la justice lancés par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation en ce qui concerne l’accès à un logement sécuritaire, abordable et adéquat pour les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre des Premières nations, inuites et Métisses.
  2. Veiller à ce que les définitions de l’itinérance aux fins de l’élaboration des politiques et programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux reflètent les expériences distinctes de l’itinérance chez les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre, en particulier celles qui sont autochtones.

Des recommandations détaillées sont disponibles à l’annexe A.

Ce que nous avons entendu à propos des personnes en situation d’itinérance ou des personnes qui n’ont pas leur propre logement

Les listes d’attente interminables témoignent du manque de logements abordables. Cette pénurie alimente la surpopulation des logements de transition et le besoin des ressources en matière de logement.

Une personne sur trois a déclaré avoir rencontré des problèmes avec les listes d’attente pour les logements ou les refuges. Nous avons entendu que l’inaccessibilité des places dans les refuges pousse de nombreuses personnes à vivre dans des tentes ou d’autres formes d’abris pour avoir un endroit où rester et dormir. L’examen par la défenseure des campements de personnes en situation d’itinérance est basé sur une observation de Montréal soulignant que les personnes vivant dans des campements sont confrontées à une insécurité beaucoup plus grande et à des menaces pour leur santé et leurs droits de la personne.

Nous avons également appris que la moitié des personnes qui ont fait une observation ont connu l’itinérance à un moment ou à un autre de leur vie.

Un répondant sur dix a été associé à un organisme de protection de la jeunesse ou au régime des pensionnats autochtones lorsqu’il était un enfant ou un jeune. La grande majorité d’entre eux ont connu l’itinérance à un moment ou à un autre de leur vie. Certains n’avaient même pas 16 ans lorsqu’ils ont été confrontés à une situation d’itinérance pour la première fois, et la moitié d’entre eux le sont devenus pour la première fois entre 16 et 29 ans.

Parmi les causes de l’itinérance à un très jeune âge, on peut citer les parents qui obligent les enfants à quitter le foyer, la fuite d’un foyer violent, les grossesses non planifiées et l’éviction des tuteurs ou des parents qui ne paient pas leur loyer.

Ce que nous ont dit les associations de défense des droits des locataires

Nous avons reçu plusieurs observations d’associations de locataires et d’organisations défendant les droits des locataires qui font écho aux préoccupations soulevées dans les observations de particuliers. Ceux-ci ont formulé d’importantes recommandations, notamment sur la nécessité de revoir la Stratégie nationale sur le logement pour l’orienter clairement vers le logement social, et de l’élargir pour faciliter les recours juridiques.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est l’un des chefs de file nationaux de la défense du logement social. Il s’agit d’une coalition de 145 organisations actives dans différentes régions du Québec, qui interviennent dans toutes les facettes du système de logement. Sa grande priorité est le « développement et la protection du logement social, sous forme de logements publics, coopératifs et sans but lucratif ». Dans son observation, la coalition dénonce l’impact systémique de la pénurie massive de logements locatifs abordables sur le droit au logement, ainsi que ses effets sur d’autres domaines connexes des droits de la personne comme la santé, l’alimentation, la sécurité, l’égalité et la vie.

Ce que nous avons entendu sur les violations du droit au logement des peuples autochtones

L’observation du National Indigenous Housing Network (NIHN) indique que les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes autochtones de diverses identités de genre subissent certaines des violations les plus flagrantes du droit au logement à travers le Canada. Elles sont surreprésentées dans presque tous les aspects de l’insécurité du logement, de l’itinérance et de la pauvreté, et sont touchées de manière disproportionnée par la violence et les traumatismes liés à des situations de vie précaires.

Ces violations résultent des tentatives historiques et permanentes de l’État canadien de coloniser les peuples autochtones, leurs cultures et leurs modes de vie, d’action et d’existence. Face à ces tentatives, les peuples autochtones – Premières Nations, Inuits et Métis – ont résisté et se sont mobilisés, continuant à défendre leurs modes de vie. Ils continuent à composer avec les systèmes violents d’institutionnalisation et d’exclusion et à y survivre, en pratiquant leurs cultures par la gestion des terres et de l’eau et en utilisant des mécanismes comme les déclarations et pactes internationaux et nationaux sur les droits de la personne pour faire valoir leurs droits.